Ce blog a pour but de vous proposer ponctuellement des traductions d'ouvrages généralement réalisées par moi-même (D&D et AD&D 1ère édition, mais également des livrets de règles de jeux de plateaux ainsi qu'éventuellement d'autres jeux de rôle datant de la même époque) ou parfois par d'autres personnes; je vous présenterai aussi des photos de certaines de mes réalisations personnelles :)
26 Février 2020
Durant la révision des règles Moldvay que j'effectue actuellement, j'ai été confronté à quelques "soucis" avec le sort Sommeil (1er niveau de magicien) - en fait des contradictions entre la description du sort et un exemple donné plus loin dans les règles. J'ai donc jeté un œil aux différentes descriptions de ce sort dans les autres versions de D&D (et même AD&D) histoire d"obtenir des éclaircissements et je me suis alors aperçu que son évolution était fort intéressante.
J'ai donc pensé que ce serait pas mal de coucher par écrit cette évolution au fil des différentes versions (et pourquoi pas par la suite faire la même chose avec d'autres sorts tout aussi "iconiques"). Et puis en effectuant une petite recherche sur le net je suis tombé sur un article du blog Dungeon Delving de GM Glenno qui avait déjà fait quelque chose de comparable... comme quoi on croit tenir une bonne idée d'article et pouf, ça a déjà été fait :/
Bon mais son article ne porte pas sur toutes les versions de D&D, et puis il est en anglais, donc je pense qu'en refaire un nouveau sur le même thème mais en français et avec mon point de vue peut être tout de même intéressant ^^
Le sort Sommeil (Sleep en version originale) est l'un des sorts le plus "puissant" qu'un magicien puisse posséder dès le premier niveau ; j'ai mis le mot puissant entre guillemets car il ne faut pas oublier qu'un magicien du premier niveau n'a qu'un sort en mémoire et vous verrez qu'au fil des versions il a de plus été pas mal remanié. Mais commençons par le début ^^
OD&D : dans la toute première version de D&D, la description est assez succincte. Le sort a une portée de 24" (72 m) et affecte 2-16 créatures de niveau 1 (jusqu'à 1+1 DV), 2-12 de niveau 2 (jusqu'à 2+1 DV), 1-6 de niveau 3 et seulement 1 de niveau 4 (jusqu'à 4+1 DV). Et c'est tout... aucune durée n'est donnée, donc on suppose que les créatures endormies le restent indéfiniment
Petite particularité, dans cette version de D&D, tous les sorts "d'attaque" donnent droit à un jet de protection contre les sorts, donc les créatures affectées par un sort de sommeil effectuent un jet de protection.
Dans le supplément "Greyhawk" sorti en 1975, on trouve quelques renseignements supplémentaires sur le sort Sommeil ; on y apprends que le sort n'affecte pas les morts-vivants et aussi qu'il NE DONNE PAS droit à un jet de protection. Il est aussi rappelé qu'il n'affecte qu'une seule créature de 4 ou 4+1 DV et que les créatures ayant plus que 4+1 DV ne sont pas affectées. Avec ces précisions on trouve les éléments qui seront présents dans toutes les prochaines versions.
D&D Holmes : cette version reste la même que celle d'OD&D + le supplément "Greyhawk" ; même portée (72 m), même nombre de créatures affectées selon leur niveau (enfin là on parle non plus de "niveau" mais directement de "dés de vie"... ce qui est pareil au final, c'est juste une histoire de sémantique ^^) avec la spécificité que seule 1 créature avec 4 (ou 4+1) DV sera affectée, les morts-vivants ne sont jamais affectés (de même que les créatures de plus de 4+1 DV) et les victimes n'ont droit à aucun jet de protection.
Par contre cette fois-ci on nous donne enfin une durée pour ce sort : dorénavant, les créatures affectées ne seront endormies que pendant 4-16 (4d4) tours. Bon ça reste une durée assez longue, mais c'est quand même moins puissant qu'indéfiniment ^^. Cette durée sera conservée dans toutes les versions ultérieures de D&D.
D&D Moldvay : dans cette version on retrouve la plupart des éléments des versions précédentes ; la portée (72 m), la durée (4-16 tours), le fait que les créatures ayant plus de 4+1 DV et tous les morts-vivants ne sont pas affectés, et les victimes n'ont pas droit à un jet de protection.
Par contre on trouve une grosse différence dans la détermination du nombre de créatures affectées. Cette fois-ci, ce nombre n'est plus déterminé selon le niveau des créatures mais par un seul lancer de 2d8 (soit un total de 2 à 16 DV affectés). Pour le calcul, il est précisé que les créatures avec moins de 1 DV sont considérées comme ayant 1 DV et que tous les "+" situés après le nombre de base ne sont pas pris en compte (par exemple, un hobgobelin avec 1+1 DV sera considéré comme un monstre à 1 DV pour le calcul du nombre de créatures affectées). On nous précise également que seule UNE créature avec 4+1 DV sera affectée (ce qui veut dire qu'on peut maintenant endormir plusieurs créatures avec 4 DV, contrairement aux versions précédentes). Il est également précisé que lorsque ce sort est lancé sur un groupe comprenant des créatures de niveaux différents, ce sont d'abord les créatures avec le plus petit niveau qui sont endormies en premier. Enfin, on nous apprend qu'une créature endormie peut être réveillée de force (en lui assénant une claque par exemple) ou tuée à l'aide d'une arme tranchante (ceci quelque soit son nombre de pv et sans avoir besoin de lancer le dé pour toucher).
Ce système de détermination du nombre de créatures affectées est beaucoup plus simple que précédemment, en particulier lorsque ce sort est lancé sur un groupe comprenant des créatures de différents niveaux ; en effet, avant c'était un casse-tête pour calculer tout ça, maintenant il suffit de lancer 2 dés à 8 faces et on sait combien de créatures on endort. Ce système sera conservé dans les versions suivantes.
Alors ce qui est perturbant dans cette version, c'est que dans l'exemple de combat donné page B28, l'elfe du groupe prévient les autres membres qu'il va lancer un sort Sommeil. On nous dit alors que ces membres se placent en position de défense en prenant bien soin de ne pas être pris dans la zone d'effet du sort (making sure that they do not get caught in the spell's area of effect) !!! Zone d'effet ?!? malheureusement la description du sort n'indique aucune zone d'effet. Et puis plus loin, lors de la détermination du nombre de créatures affectées, on nous dit que les hobgobelins ayant 1+1 DV, ils sont considérés comme des créatures à ... 2 DV (since the hobgoblins have 1+1 hit dice, they are treated as 2 hit die monsters for this purpose)... Lol, tout l'inverse de ce qui nous est dit dans la description du sort. Bon, disons que cet exemple a du être écrit sous l'emprise de substances non recommandées et qu'il ne faut pas en tenir compte... sauf que cette histoire de zone d'effet était en fait prémonitoire ^^
D&D Mentzer : dans cette version on retrouve tout ce qui a été dit dans la version précédente (Moldvay) : portée (72 m), durée (4-16 tours), nombre de créatures affectées (2-16 DV), le fait que seule une créature de 4+1 DV puisse être affectée, etc...
Par contre on a droit à quelques précisions concernant les créatures affectées : on nous dit maintenant que ce sont généralement des créatures de taille humaine ou plus petites et que les très grandes créatures telles les dragons ne sont jamais affectées (même si cette créature à moins de 4+1 DV). Bon, mais un ogre c'est plus grand qu'un humain et pourtant c'est affecté par le sort, alors ? Et bien tout est dans la subtilité de la description : en effet, il est écrit "généralement"... ce qui signifie "pas toujours" ^^.
Mais le plus gros changement vient du fait que maintenant ce sort a une aire d'effet (quand je vous disais que l'exemple de combat de la version Moldvay était prémonitoire ^^). Donc dorénavant ce sort agit sur une zone de 12 m de côté.
Et voilà, on a maintenant la version définitive du sort Sommeil dans les règles de D&D. Dans les versions ultérieures (Brown et Rules Cyclopédia) la description restera identique à celle de la version Mentzer. Par contre il est intéressant de voir ce que donne ce sort dans les règles AD&D.
AD&D : les règles d'AD&D sont parues en 1977 (en même temps que la version Holmes des règles D&D) et du coup le sort Sommeil garde des similitudes avec celui donné dans les règles OD&D+Greyhawk et dans la version Holmes : le nombre de créatures affectées est déterminé selon le niveau de ces créatures, les morts-vivants ne sont pas affectés, le sort a une portée et une durée. Mais il y a quelques différences : cette fois-ci le sort peut affecter des créatures ayant jusqu'à 4+3 DV (et non plus seulement 4+1 DV) et le sort a une aire d'effet (ce qui n'est pas le cas dans ces versions).
Par contre ces effets (portée, durée, aire d'effet et nombre de créatures affectées) ont été revus drastiquement à la baisse : la portée n'est plus de 72 m mais de 9 m + 3 m par niveau du jeteur de sorts, la durée n'est plus de 4-16 tours mais de 5 rounds par niveau, l'aire d'effet n'est plus qu'un cercle de 9 m de diamètre (contre un carré de 12 m de côté pour les versions ultérieures de D&D) et le nombre de créatures affectées est maintenant revu à la baisse pour les niveaux élevés (4-16 jusqu'à 1 DV, mais seulement 2-8 de 1+1 à 2 DV, 1-4 de 2+1 à 3 DV, 1-2 de 3+1 à 4 DV, et 0-1 de 4+1 à 4+3 DV). Bref ce sort perd beaucoup de sa puissance en AD&D, mais il reste quand même très intéressant face à des créatures que l'on rencontre souvent à bas niveau (gobelins, kobolds, orques, pour ne citer que les plus classiques ^^).
Lors du passage à AD&D2, le sort subira de nouvelles modifications qui le rendront plus jouable, en supprimant entre autre cette détermination du nombre de créatures affectées selon leur niveau et en la remplaçant par un jet de détermination du nombre de dés de vie, comme dans les versions Moldvay et ultérieures de D&D.
Car en effet, cette façon de déterminer le nombre de créatures affectées selon leur niveau fonctionne bien sur un groupe homogène de créatures (que des gobelins par exemple), mais ça devenait un casse-tête dès qu'on se trouvait en présence d'un groupe mixte composé de créatures ayant des dés de vie différents (par exemple un groupe comprenant des gobelins, des gnolls et des loups). Je me souviens d'ailleurs que Casus Belli, dans son numéro 4 de juin 1981, s'était fendu d'un article sur ce sujet dans lequel on trouvait une table de conversion et des exemples pour pouvoir gérer tout ça. Vous pouvez le récupérer en cliquant sur le lien ci-dessous :
"Dormira, dormira pas..." - article rédigé par Thierry Martin dans Casus Belli n°4 (juin 1981)
Voilà, maintenant vous savez tout sur le sort Sommeil dans nos vieilles versions de D&D et AD&D, j'espère que cet article n'était pas trop soporifique et que vous ne vous êtes pas endormi devant votre écran ^^.
Sur ce je vous souhaite une bonne fin de journée et vous dis à très bientôt sur la Forge de papier !